Interview Wax Tailor
18 février 2007
Chronique Wax Tailor - Hope & Sorrow

En 2005, on découvre Wax Tailor. Avec "Tales of the forgotten Melodies", il place la barre très haut et rafraîchit les oreilles avec ses mélodies oubliées...
Après une longue tournée et s'être enfermé plusieurs mois pour faire son nouvel album, Wax Tailor sort de sa grotte pour nous parler de "HOPE & SORROW" dont la sortie était prévu pour mars. Vous pouvez dors et déjà écouter le trailer. Cet avant-goût laisse présager d'un album à nouveau exceptionnel qui pourrait lui permettre de passer chez Drucker ...vous comprendrait en lisant la suite:)
As-tu une date un peu plus précise ?
Oui l'album sortira en France le 2 avril prochain
Le titre annonce un album assez contrasté, sûrement des titres mélancoliques mêlés à des titres plus rythmés. Me trompe-je ?
Non c'est tout à fait ça j'ai eu le sentiment qu'on vivait également une époque assez contrastée, c'est également quelque chose que j'ai ressenti dans ma vie personnelle.
Pour les titres mélancoliques, aura-t-on le droit à la sublime voix de Charlotte Savary et au violoncelle de Marina Quaisse ?
Oui j'ai enregistré 3 titres avec Charlotte pour cet album et Marina a également participé à 3 titres.
Et à la participation de The Others pour les morceaux hip hop ?
J'ai enregistré un titre avec eux mais également au rayon rap un titre avec le groupe anglais A State of Mind et un titre avec la rappeuse VOICE.
Ou est-ce que l'album prend une autre direction que "Tales of the forgotten Melodies" ?
Non je ne parlerai pas d'autre direction en terme de son j'ai vraiment voulu garder la couleur du 1° album, pour moi l'enjeu sur ce disque était surtout de réussir à élargir ma palette tout en gardant une cohérence sonore. J'ai également eu un travail d'écriture mélodique plus important que sur le premier album dans la mesure où les titres vocaux sont plus nombreux.
Aura-t-on le droit à d'autres collaborations ? Des noms ?
Oui bien sûr, j'ai également enregistré un titre avec la chanteuse soul SHARON JONES et un titre avec URSULA RUCKER (+ ceux que j'ai déjà cités plus haut).
Si tu en avais l'opportunité, avec qui aimerais-tu collaborer ?
Enormément d'artistes et ça irait de rappeurs comme les Beastie Boys en passant par certains acteurs dont j'aimerai utiliser la voix ou encore des chanteurs comme Stuart A Staples, difficile de donner une liste il y en a beaucoup.
"Tales of the forgotten Melodies" est essentiellement basé sur des samples, sur des mélodies oubliées... Pour ton nouvel album as-tu encore utilisé autant de samples?
Oui, le sample c'est ma culture je crois que je ne conçois pas de travailler autrement. Après le sample c'est pour moi principalement un travail de recherche de texture, je rejoue mes mélodies mais ça passe d'abord par un travail sur le son.
Si oui, un petit nom d'artiste ou de chanson pour nous mettre l'eau à la bouche ?
Je n'ai pas réutilisé de parties acapella comme je l'avais fait avec DORIS DAY par exemple. Je crois que je voulais éviter le piège du Que sera 2 le retour ou des choses un peu téléphonées donc j'ai utilisé principalement des textures et pour les parties vocales j'ai privilégié les collaborations comme par exemple le titre avec Sharon Jones. J'avais la voix d'Aretha Franklin en tête en composant le titre et pour moi Sharon Jones est une vraie voix soul 70'.
Personnellement, cela ne me gêne pas.... au contraire, j'ai découvert la voix sublime de Nina Simone et ça m'a poussé à découvrir son oeuvre. Utilises-tu les samples Également pour rendre hommage aux artistes que tu apprécies ?
Absolument. Beaucoup d'artistes ont compris depuis longtemps que les producteurs notamment dans le hip hop sont avant tout des passionnés de musique et que le sampling est un hommage à leur travail et une invitation à pousser les portes pour découvrir ces grands classiques ou perles plus obscures. Ceci étant il faut évidemment que l'utilisation du sample se justifie par une interprétation personnelle.
Ou peux-tu commencer à travailler sur une boucle simplement parce que tu la trouves intéressante?
Encore une fois je n'ai absolument rien contre le sampling de boucle mais j'ai souvent l'impression que de l'extérieur beaucoup de personnes ne retiennent que cette partie de mon travail qui reste minime. La plus part du temps j'utilise des textures c'est-à-dire un sample d'une note ou de deux afin de recréer une mélodie. Après concrètement la boucle c'est une vraie culture et quand je récrée une mélodie de toute façon j'invente une boucle qui ressemble à un sample parce que c'est ma culture. Il arrive un moment où la déformation fait qu'en écoutant un morceau on finit par bloquer sur un passage précis parce qu'on a la boucle en tête.
De plus beaucoup d'artistes se contentent de réutiliser une boucle d'une vielle chanson sans la modifier ou simplement en la réactualisant. De ton coté on sent une véritable création à partir de cette boucle. Comment se fait le processus de création ?
Comme je le disais ci-dessus je suis très sensible au son, c'est le son qui m'interpelle en premier lieu donc le travail mélodique découle directement de la texture sonore et de ce qu'elle m'inspire.
Avec quel matériel travailles-tu ?
C'est assez rudimentaire, j'ai une platine, un sampleur un séquenceur. Après évidemment des périphériques de studio pour le mix mais je n'ai pas trop fait évoluer mon installation depuis mes débuts
Ton univers est également très cinématographique. Est-ce que ce sont les images qui t'inspirent la musique ou est-ce que la voix, les dialogues te suffisent ?
C'est vraiment le son qui me guide plus que les images. Je collecte des bouts de phrases de films qui souvent m'interpellent par leur schéma rythmique ou alors pour leur son tout simplement. Ensuite je pioche dans tout ce que j'ai collecté pour refaire des dialogues sur certains titres.
Quels sont tes films cultes ou qui t'ont inspiré ?
Difficile là encore d'en citer quelques un mais même si c'est un lieu commun j'ai été très marqué par Stanley KUBRICK qui reste pour moi le plus grand ; j'aime également beaucoup le cinéma d'Hitchcock qui pouvait faire du cinéma populaire et de qualité. Non vraiment difficile de faire une liste, de plus je ne suis pas un grand spécialiste du cinéma plutôt un cinéphile amateur du coup j'ai toujours la sensation d'avoir beaucoup de choses encore à découvrir.
Ce sont essentiellement des films anciens ou chansons anciennes qui t'ont inspirés pour le premier album ? Et pour "Hope & Sorrow" ? Quelle est la direction ?
Au risque de me répéter c'est essentiellement une affaire de son. Les vieux films ont un son bien particulier, connoté et fort en terme d'évocation. Idem pour le son un disque enregistré en 1971 sur une console analogique a forcément une couleur bien particulière. Les disques de jazz ont également de grosses faiblesses en terme de rendu sonore mais c'est précisément ce qui m'intéresse.
D'ailleurs, comment te procures-tu ces samples ?
Principalement sur de vieux vinyls.
Est-ce que tu suis le parcours d'autres artistes Français labellisés électro ?
J'ai du mal à comprendre cette étiquette electro. Pour moi ça n'a pas d'autre sens que la classification des grandes enseignes de disquaires. Je viens de la culture hip hop donc je suis plus intéressé par les projets qui tournent autour que par certaines autres tendances. Ce que je retiens de ce qui se passe en ce moment c'est que plus que jamais les étiquettes n'ont plus trop de sens. On voit bien notamment dans le hip hop que les producteurs qui ont aujourd'hui une vingtaine d'année ne se posent pas trop de questions sur les « règles » et c'est une bonne chose.
Que penses-tu de la scène électro française ?
Là encore je ne peux pas englober vu que je ne maîtrise pas le sujet dans son ensemble mais pendant la dernière tournée sur chaque date on m'a donné beaucoup de démo, ou de cd's autoproduits, je reçois également beaucoup de choses par Internet et j'ai entendu des projets vraiment très très bons.
Doctor Flake, qui a un parcours assez similaire au tien, vient également de sortir son deuxième disque ? Un mot à son sujet ?
Je confesse que je ne connaissais pas son 1° album. Il vient justement de m'envoyer ses deux disques. A première écoute j'aime bien son univers. Depuis un an j'ai eu l'occasion d'écouter pas mal de disques de producteurs français dans cette veine et c'est plutôt encourageant.
(note : Doctor Flake va faire quelques premières parties de Wax Tailor)
La scène est importante pour toi, j'espère que tu reprendras la route avec "Hope & Sorrow". Est-ce que tu as déjà préparé la tournée ?
On est en plein dedans je sors d'une résidence de 2 semaines et d'une pre-tour pendant lesquels nous avons préparé la prochaine tournée qui débutera avec la sortie de l'album.
Que proposeras-tu pour les prochains concerts ?
Je vais tourner avec Charlotte SAVARY au chant, Marina QUAISSE au violoncelle et avec Marine THIBAULT à la flûte et clavier qui nous a rejoint pour préparer cette tournée. En terme de vidéo nous sommes en train de finaliser sur le même mode que sur la première tournée c'est-à-dire une projection mais nous réfléchissons actuellement à développer un peu notre dispositif avec des caméras, affaire à suivre…
Lors de la première tournée tu as fait beaucoup de première partie, ce n'est pas trop difficile de jouer devant un public qui ne te connait pas forcément et qui ne vient pas spécialement pour toi ?
Tout dépend de la première partie. Dans mon cas c'était plutôt royal, nous avons beaucoup joué avec HERBALISER par exemple, c'était une vraie opportunité de faire découvrir le projet à un public qui écoute le même genre de musique. Aux Etats-Unis j'ai fais la première partie de RJD2, là encore c'était plutôt une chance, l'album n'était pas encore sorti j'étais donc complètement inconnu et je me retrouvais devant des salles ‘sold out' avec un public en phase. Je dirai même que le plus dur a été de commencer à tourner en tête d'affiche parce qu'il n'y a pas de filet on ne peut pas se dire « de toute façon ils sont venus pour la tête d'affiche ».
"Tales of the forgotten Mélodies" a rencontré un vrai succès médiatique, mais est-ce que les ventes ont suivi ?
Oui très clairement pour ce genre de musique, nous avons passé les 20 000 exemplaires en France ce qui est très satisfaisant. Aux Etats-Unis l'album est sortir depuis un peu plus de 6 mois et nous en avons vendus 6000 copies ce qui est également très très bien vu le peu de recul sur le projet et surtout ce qui est très réconfortant c'est que comme en France c'est le bouche à oreille qui fait vivre le disque, donc ça ne s'essouffle pas.
Est-ce que ce succès t'a permis de voir l'avenir sereinement, et de te consacrer pleinement à la création musicale ?
Oui je vis de ma musique depuis un an et c'est un grand luxe que je sais apprécier à sa juste valeur. Je fais de la musique depuis 15 ans maintenant j'ai bientôt 32 ans et l'aspect positif de ses années passées c'est qu'elles donnent plus de valeur à ce qui se passe.
Penses-tu que le succès et l'argent peuvent nuire à la créativité ? Tout est relatif quand on parle d'argent. Personnellement je vis de ma musique ça veut dire que j'ai arrêté d'avoir un job alimentaire, je peux m'y consacrer pour autant je vais faire mes courses chez ED comme je le fais depuis 10 ans, je n'ai pas déménagé, bref je ne suis pas trop concerné par ce genre de contingences.
Je pense notamment à Dj Shadow, qui avec son dernier album, à quelque peu déçu ses fans ? Un mot à son sujet ?
DJ SHADOW est un très grand producteur qui a apporté beaucoup à cette musique. Je ne lui reproche pas son dernier album, il est possible qu'il soit sincère, pour autant j'avoue que ce disque ne me touche pas. Je crois que ce qui me dérange le plus c'est la sensation de compilations d'éléments disparates.
Quelles sont les principales difficultés pour réussir à sortir un cd ?
En 2007 je ne suis pas persuadé que la vraie difficulté réside dans le fait de sortir un CD ? Je pense que le véritable enjeu c'est de le faire exister et de lui offrir une visibilité. C'est l'envers de la médaille de la démocratisation des outils, la production est beaucoup plus accessible et c'est une bonne chose mais malheureusement beaucoup de disques sortent alors qu'il s'agit encore de démos et sans la structuration nécessaire. Je ne jette pas la pierre c'est compliqué et extrêmement tentant. Je pense qu'il faut essayer de prendre en considération le maximum d'éléments et surtout essayer de savoir avant toute chose ce qu'on en attend exactement.
Pour ceux qui veulent se lancer, peux-tu nous décrire un peu ton parcours ? Avant de faire de la musique que faisais-tu ? As tu du faire des sacrifices pour sortir "Tales of the forgotten melodies" ? Quels conseils leurs donnerais-tu?
Je fais de la musique depuis une quinzaine d'année maintenant. J'ai commencé à produire des disques en 1998. S'autoproduire c'est évidemment faire une somme de sacrifice et pas seulement financièrement c'est également une somme de responsabilités et de charges de travail qu'il ne faut pas sous estimer. Moi si je devais donner un conseil à un artiste qui souhaite s'engager dans cette voie, ça serais certainement d'essayer de se projeter le plus loin possible dans le temps et d'essayer d'anticiper. Lorsque j'ai sorti le premier disque de mon groupe en 1998 j'avais bon espoir d'en ressortir un assez vite mais j'ai mal appréhendé le temps nécessaire pour quelqu'un qui travaille à côté et du coup je pense que nous avons payé le fait de ne pas être assez réactif.
Quels sont les projets pour les mois ou années à venir ?
Pour les mois à venir, la promo de mon nouvel album et surtout le live. Nous avons une tournée qui commence bientôt d'abord en France puis à l'étranger. J'ai également des propositions pour d'autres projets mais pour le moment je préfère focaliser sur cette tournée.
Un mot à ceux qui attendront de trouver ton album sur le net pour le télécharger ?
Je me suis déjà largement exprimé sur cette question, évidemment je suis satisfait de vendre des disques et j'espère en vendre plus encore que du premier. En tant que producteur cet album a un coût, il faut que j'arrive à rentrer dans mes frais pour pouvoir produire l'album suivant. Mon album sort en licence chez ATMOSPHERIQUES qui va investir dessus et pour eux aussi il y a nécessité de vendre des disques. Pour autant je reste toujours intimement persuadé que la situation n'est pas celle qu'on nous présente quotidiennement. Sur les concerts je rencontre beaucoup de personnes qui viennent voir le live parce qu'ils ont téléchargé le disque ou des titres sur le net. Souvent en repartant ils achètent le disque. De la même façon il m'arrive de télécharger des albums que j'achète par la suite quand je suis convaincu. Evidemment quand je retiens 2 ou 3 titres sur l'album je ne l'achète pas et c'est peut être là la différence. Avant on achetait un disque sur un single et il nous arrivait de regretter l'achat des 11 autres, aujourd'hui on a tendance à être plus sélectif. Il s'agit peut être aussi d'être plus exigeant du côté producteur. Après reste la portion d'auditeurs qui n'ont pas les moyens d'acheter des disques. Ceux là n'auraient pas découvert l'album sans le net. Enfin en terme de visibilité ça n'est pas demain que je vais être invité chez DRUCKER pour parler de ma musique donc en attendant ce jour je pense que le net me sert plus qu'il ne me coûte.
Ecouter le trailer de "hope & sorrow"
Retrouvez ses dates de concerts, la playlist du cd sur myspace.com/waxtailor
